LE SYNDROME DE MÉDÉE, PARCOURS SADIQUE DE LA PERTE D’AMOUR

MEDEE_pasolini

Le syndrome de Médée est une modalité de harcèlement mise en œuvre par un parent voulant priver son conjoint de la relation avec ses enfants et apparaissant à l’occasion d’une rupture conjugale. Ce concept ajoute des dimensions psychopathologiques importantes à la notion très critiquable et dangereuse de syndrome d’aliénation parentale : utilisation de l’enfant pour se venger, deuil sadique d’amour, retour de rites sacrificiels chez des sujets avec trouble de la personnalité confrontés à des relations d’amour dramatiques. Les aspects cliniques et légaux du syndrome sont analysés dans le but de fournir des clés valables de décision médicale. Le syndrome de Médée est une réaction destructive très grave avec impact négatif majeur sur les enfants et les adultes. Une nouvelle législation est nécessaire afin de décourager ce comportement et de mieux protéger les victimes.

Je me propose de discuter le concept de syndrome de Médée et d’explorer, par son entremise, la psychopathologie des conduites de harcèlement qui sont mises en œuvre par des parents cherchant à priver leur conjoint de son/ses enfants. Les praticiens doivent connaître ce tableau en raison de son relief clinique et juridique grandissant en médecine de premier recours. L’augmentation significative des séparations conflictuelles favorise, dans un contexte social et culturel éclaté, l’enlisement des situations de divorce litigieux dans des impasses dramatiques dont les enfants deviennent les otages infortunés. Un médecin averti de l’existence de ce tableau pourra prescrire des mesures valables de prévention et traitement que nous allons détailler.

La connaissance des facteurs psychologiques et culturels œuvrant dans ce syndrome l’aidera à mieux comprendre la souffrance traumatique du parent privé de sa progéniture et l’arrière-pays d’un comportement se fixant l’objectif de réduire son propre fils à la condition d’objet de vengeance. Ces deux dimensions sont les grandes oubliées des actuelles classifications. Le syndrome de Médée a l’avantage de contraster cette approche en mettant l’accent sur les complications tragiques de la vie amoureuse, une vision chère au regard psychodynamique sur les crises de vie. Loin de nous l’intention de nous servir de Médée pour blâmer la femme (le syndrome est très majoritairement féminin) ou mettre en cause ses droits. Un malaise étrange semble cependant faire obstacle, dans notre culture, à la reconnaissance de la cruelle détermination s’attachant au harcèlement décrit plus haut. Un usage bien tempéré de l’outil psychanalytique montre ici tout son intérêt pour le domaine de la santé. Réactualiser l’importance de cette approche à partir d’un domaine controversé de la pratique de l’urgence et de la crise est un autre but de ce travail.

Syndrome de Médée – un terme abusif reposant sur un mythe.

Un «complexe de Médée» a été décrit par E. Stern dans une étude visant à élucider la dynamique de l’infanticide passionnel et connaît actuellement un regain d’intérêt dans des domaines aussi divers que les affaires criminelles, la psychiatrie de l’enfant et les conflits familiaux en situation de séparation parentale. Le mythe a, dans ses maintes versions, la propriété de faire parler une dimension tragique universelle de l’humain, dans le cas spécifique «l’enfant réduit à la condition d’objet de vengeance».
Frappée, à son corps défendant, par la flèche d’Eros, Médée se plie à son amour pour Jason contre promesse d’une éternelle fidélité. Elle aide ensuite les Argonautes à s’emparer de la toison d’or, le trésor inestimable appartenant à son propre père. Puis s’exile en Grèce avec son amant. Mais le volage Jason se lasse de son amour. Trahie et humiliée, la superbe Médée tue alors ses enfants et, en proférant des terribles mots de vengeance, déchire le ventre qui a enfanté les fils du héros. Les études psychanalytiques ont insisté sur le lien entre le fonctionnement de Médée et un complexe inconscient caractérisé par une hostilité prononcée envers le sexe masculin (envie du pénis). Le propos de priver l’homme de sa descendance relèverait de l’intention de le priver de sa puissance (pénis=enfant, et vice versa) et donc de le châtrer.

Mais la Médée qui déchire son ventre illustre un aspect plus perturbant de la déception d’amour. Son besoin d’éternelle fidélité témoigne en effet d’un conflit profond avec une identité de mère qui marquerait la fin d’attachements familiaux aussi ambivalents qu’indissolubles et une incapacité de transposer ceux-ci dans le monde de sa vie sentimentale adulte. Le conflit furieux entre sexualité et amour parental, angoisse de séparation et emportement du désir est le trait le plus marquant de Médée et l’aspect le plus tragique d’une trajectoire par trop semblable à celle d’un deuil tragique et meurtrier de l’enfance. La toison enlevée, sa patrie est perdue : une hostilité plus profonde est simultanément réveillée. Médée n’est pas pour rien une sorcière, la hors-la-loi, ennemie mortelle de l’enfant de nos contes de fées où tant de bons rois ne cessent de la proscrire. Une Némésis poursuit depuis les amants qui rejoint les deux volets du conflit rappelés plus haut. D’abord meurtre du frère, puis assassinat de ses propres enfants. Ce destin rejoint le récit légendaire du rôle conjuratoire d’une toison sacrée et des rites sacrificiels du bouc par rapport au sacrifice d’enfants visant à apaiser d’obscures divinités matriarcales. Que Médée déchire ses entrailles et tue ses enfants, ou qu’elle essaie de priver son conjoint de ces derniers, une même nécessité arme sa main ou instrumente ses ruses. C’est l’image d’un enfant humain produit de l’amour des parents qu’elle vise et avec lui le scandale de ses imprévisibles vicissitudes de ce même amour, que nulle sorcière ne saurait tolérer.

Source : Antonio Andreoli
Rev Med Suisse 2010;6:340-342

7 commentaires

  1. Après 9 ans de travail de sap, jusqu’en 2009, malgré toutes les procédures de droit familial québécois et canadien, mes enfants devenus adultes refusent toujours de me parler depuis ce temps. Je sais aujourd’hui, de toute évidence, que seuls des peines sévères pourraient empêcher ces comportements totalement dysfonctionnels et déviants. Je garde toutefois le cap à travers tempêtes et marées.

  2. Ce syndrome est ici parfaitement expliqué et fait prendre toute la mesure du risque et des dégâts que cela provoque.Mon mari se bat (ou plutôt se battait) pour la garde de son enfant contre une perverse narcissique (terme employé à bon escient pour ce « cas ») et malgré tous les éléments justifiant de son comportement malsain (harcèlement morale et téléphonique et physique -nous suit dans la rue,espionnage jour et nuit chez nous et nos proches même en notre présence…),manipulations,humiliations,diffamations et mensonges,crises de nerfs,chantage au suicide et à l’enfant,cambriolages…et ce n’est pas tout) depuis plusieurs années il n’a pas pu garder son enfant.
    Celui-ci n’était qu’une monnaie d’échange,un prétexte pour l’obliger à la voir (mais en fait,il repartait souvent sans avoir pu parler à son enfant) et un moyen pour soutirer des informations sur nous (l’enfant était questionné lorsqu’il rentrait de chez nous -rarement-et puni sévèrement quand il avait une parole gentille envers nous.).
    Nous avons donc demandé à ce qu’au moins un suivi psy soit fait pour les enfants (l’ex en a 2 à ce jour) et la mère,il n’y a eu aucune décision de prise à ce niveau.Alors que celle-ci a des problèmes psy reconnus depuis des années!
    Par contre mon mari est suivi,suite au harcèlement morale et constant et aux violences/injustices subies,par un psy et ne peut plus voir sa fille qui refuse même de le voir.Et passe pour le méchant a avoir en fait voulu la protéger,tout en tentant de ne pas se laisser faire (ce qu’il n’a pas toujours pu éviter,ceci s’ajoutant aux autres traumatismes)
    Comment peut-on ouvrir les yeux des professionnels de la justice et des affaires sociales à ce sujet quand toute initiative est prise pour une violence ou un acharnement?
    Comment ne pas baisser les bras quand même les proches conscient du problème se couvre les yeux et que ceux qui ne connaissent pas la véritable histoire se permettent de juger et empirent les choses?
    Et surtout,comment protéger les enfants dans ce contexte si nous ne sommes pas cru?
    J’ai souvent remarqué que dans toute affaire opposant un homme et une femme,instinctivement la justice et l’opinion publique sera quasiment d’emblée contre l’homme,comme si tous n’étaient que des brutes égoïstes d’office.Et la femme une pauvre chose forcément innocente et fragile.
    Comme s’ils étaient incapable d’être celui qui souffre,de fait le maximum d’effort (pour rien!) et qui est brisé physiquement et psychologiquement.
    Ouvrez les yeux! Les femmes sont souvent victime,c’est vrai,mais quand elle sont le bourreau,elles sont d’une perversité abjecte et vicieuse,et qui plus est,soutenues par la justice et l’opinion générale.
    Je comprend ceux qui baisse les bras! C’est une lutte épuisante et quasi perdue d’avance…

    1. « quasi perdue d’avance »… La justice de peur de se tromper n’ose pas se mouiller.
      Les professionnels souvent trop pressés ou mal informés passent à côté de situations dramatiques ; de plus tenus au « secret professionnel », beaucoup ne peuvent rien dire, même s’ils le voulaient.

      Quant aux victimes, elles espèrent une justice efficace et rapide, alors qu’il faut souvent de très longues années pour obtenir gain de cause et réparation.
      Quand les enfants sont en jeu, le drame a le temps, mille fois, de naître et de se développer…

  3. Sur ce sujet,il ne faut JAMAIS espérer une justice rapide,l’efficacité c’est au cas par cas et au compte goutte (mais il y en a). Mais le problème restera le manque d’information des pros et le drame,ce sont les enfants qui grandissent dans cette ambiance. Quelle vie pour eux (et pour le parent) et quel avenir aussi? C’est effrayant.

    Il y a aussi certains OPJ,qui voient très clair dans le « jeu » mais dont la fonction,le grade ne leur permet pas de « frapper » plus haut ou plus fort.Tout ça frustre et fait souffrir beaucoup de monde.

    Cela dit,je pense qu’il ne faut pas baisser les bras tant qu’on a pas eu un minimum de reconnaissance,meme ridicule par rapport aux faits entiers.De toute façon,TOUT ce qu’ils/elles font ne sera jamais condamné entièrement,trop compliqué et trop long pour les magistats. Mais un petit bout de reconnaissance c’est important. Cela dit,comme je comprend ceux qui laisse tomber…parfois,il faut etre honnete,c’est:courage,fuyons!

  4. Voici la dernière de mes actions en Belgique, le 6/12/2012, avec d’autres parents et professionels… sur l’aliénation parentale…
    Témoignage sur la Télévision RTBF, le 6 Décembre 2012 :
    Des parents ne voient plus leurs enfants depuis des années. Ils témoignent sur ce fléau d’aliénations parentales.
    Une avocate nous explique le phénomène de  »Fausse mémoire » des enfants manipulés par leurs mères et parfois aussi par leurs pères et ce, même lorsqu’ils sont adultes.
    Un sujet Tabou parce que les magistrats sont incapables de le discerner…
    La presse en parle ENFIN… Reportage de Julie Morelle.
    Lien vers le reportage sur YouTube
    L’aliénation parentale JT RTBF 6 décembre 2012

  5. FRANCE – Où en est ce projet qui fut déposé en juin 2009 ???…
    Oui, à la suite de nos interpellations, 50 députés ( Principalement UMP ) ont signé cette proposition ! Mais elle ne fut pas suivie par la majorité. Quelle honte ! Mais pourquoi ces refus ?
    Pour le  »Mariage pour tous » qui fut une minorité de demandes de lesbiennes, (et soi-disant pour l’égalité entre les femmes et les hommes) la proposition de loi fut bien suivie par la majorité !
    Nous voyons bien le Lobby des avocats qui se sont opposés à cette proposition de loi, car ils exploitent ces conflits de manipulations (aliénation parentale et  »syndrome de Médée ») et qui en font leurs principales ressources…

  6. Le lien pour visionner le reportage
     »Une loi pour sanctionner l’aliénation parentale »

Les commentaires sont fermés.